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jeudi 5 mai 2011

Ma semaine "plus belle la vie" au Mont Sainte Victoire.

En mal de soleil, une décision s’imposa : direction mes potes trop cool du Sûûd de la France. Ces gens qui parlent avec un accent, vivent au ralenti, boivent du Pastis comme de la grenadine et qui habitent dans un village classé monument historique ( le village entier hein, avec le chien abandonné au poil de bouquetin enragé, oui, c’est dire la beauté du village).

J’ai pris mes clics et mes clacs, j’ai aussi vendu un morceau de mon foie pour m’aider à payer mes billets de trains 1ère classe, parce que c’est bien beau de crier Carpe Diem, faut aussi s’rendre compte que le « dernière minute », c’est over cher.
6h30 de trajet ô combien confortable dans la 1ère classe du train 5198 en provenance de « Metz » et à destination de « Marseille St Charles », desservant les gares de « Nancy », « Dijon », « Mâcon », « Lyon », « Avignon TGV » et « Marseille St Charles », pour lequel il faut « s’éloigner de la bordure du quai s’il vous plait » et qui comporte un « wagon bar pour mon confort situé au milieu de train, voiture 5 », c’est quand même long.
Mais les contrôleurs te sourient et sont polis, les gens ne hurlent pas, il y a peu ou pas d’enfants.
D’ailleurs la seule personne de moins de 30ans dans 2 wagons de 1ère classe, c’était la petite Emma, 5ans et demi, et j’me la suis tapée 6 heures dans un carré de fauteuils au retour, et j’ai fait un effort de malade pour ne pas lui administrer une dose de Stilnox en intra-jugulaire. Mais passons.

Là-bas, c’est différent.
Une journée à 20°C accompagnée d’un cumulus, c’est une journée de merde.
Les gens te disent bonjour dans la rue et sourient.
Les magasins ont des horaires d’ouverture hors du commun et sont introuvables.
Les journées passent plus vite.

D’ailleurs c’est le monde des Bisounours, une sorte de secte du Soleil. Quand tu te promènes dans le village, tu marches avec assurance, un halo de lumière blanche autour de toi, et quand tu croises quelqu’un, tes expressions faciales sont décryptées au ralenti. Une conversation douce et légère se met en place, ponctuée de sourires et d’éclats de rire, qu’on est presque réellement triste de quitter Yvonne après juste lui avoir fait état de la météo et de la beauté du poil de son chien, qui lui n’est pas enragé.

Un jour, la voisine nous a même invités à un apéro à la bonne franquette.
La voisine, elle parle comme Marlène Jobert qui te raconte une histoire : elle marque des poses dans son discours avec des sourires et des moments de réflexion qui ont l’air de l’emplir de joie. Pis elle penche la tête en fin de phrase. Après, j’ai appris qu’elle était hôtesse de l’air chez Air France, ça m’a paru logique.


Bon y’a aussi les histoires de villages, dont tout le monde feint de se foutre mais qui sont récurrentes dans les conversations.
« Vous avez remarqué Lucie, elle a un petit quelque chose avec le banquier ! Et le mari, au courant est allé l’empoigner de façon violente ! »
« Non ?! »
« Si !! »
[ La question rhétorique et réponse inutile « Non ?/Si ! » est un vrai révélateur de scoop, d’une histoire qui sait surprendre l’audience et la faire sortir de ses retranchements de vie calme. Il peut intervenir dans des discussions de différents niveaux et donc dans les histoires de village]

Le vocabulaire de narration des histoires de village reste innocent, enfantin.
Vous n’entendrez pas notre hôtesse nous dire : « putain, y’a kékun q’ya vu la Lucie : elle s’est fait r’tournée par l’Marc d’la banque, pis pas qu’une fois hein. Et l’mari, l’est au courant et l’a été lui péter sa gueule…Qué salope. »
Non, un tel langage n’est pas approprié et pourrait vous attirer de mauvais regards.


A côté de chez mes potes, y’avait une autre voisine : la quarantaine, tout droit sortie de Wisteria Lane, avec un serre-tête dans les cheveux qui bougent en fonction de l’allure de son pas, des chemisiers à fleurs et des mocassins impeccables. Toujours souriante, elle s’excuse pour le bruit qu’elle ne fait pas, elle sourit aussi quand elle parle de purin et sa fille se prénomme « Fleur ».

Je sais, j’suis un peu gamin parfois, mais j’ai pensé à tout un tas de mauvaises blagues à faire avec le prénom de cette gamine, qui ne sera pas petite pour toujours, chose que maman a dû omettre.
A défaut de rigolade, elle a passé une matinée sur le pas de la porte de chez mes potes au soleil ( dans la tradition de la grande communauté villageoise, les voisins sont toujours les bienvenus, même quand tu te tapes une chiasse carabinée avec retournement du sphincter et vomissements nasaux en morceaux ), où elle a dessiné calmement pendant un temps.
Puis elle s’est mis en tête d’épeler des mots, alors que forcément à 4 ans, elle savait à peine écrire son prénom, avec des lettres difformes de grandeur inégales…et un peu brouillon, disons-le.
Je lui propose alors d’épeler « céphalorachidien », ce qui la calma quelques instants.
Je m’efforçais vainement : « meuble » lui posa tout autant de problème. J’ai tenté de lui expliquer le B comme un 8 avec un côté plat et le M comme un W à l’envers. Elle ne connaissait ni le 8 ni le W.
Des séquelles irréversibles dans son apprentissage de l’écriture ont certainement été engendrées à ce moment. Grand seigneur, je lui ai finalement épelé et écrit le mot.


Mais ce ne fut pas tout. Fort de ma politesse et de mon intérêt pour la jeune génération ( en vacances seulement), je discute de dessins animés avec elle.
Soit dit en passant, il est triste de constater qu’elle n’avait aucun goût en matière de télé jeunesse.
Nous en venons à parler des WINGS et elle me reproche de ne pas prononcer correctement.
Je me suis d’abord surpris à argumenter, puisque bien sûr, je prononçais le mot de façon on ne peut plus correcte alors qu’elle, omettait totalement le N.
Mais lui faire comprendre qu’elle avait tord fût une mission qui me laissa dans la frustration la plus totale, lorsqu’alors je lui murmurai que sa mère l’avait appelée 3 fois déjà et qu’elle devrait se dépêcher si elle voulait pas s’en prendre une…

Nul doute que je me confondais à merveille avec ce paysage idyllique, les gens, les cancans du village, le soleil, la mer. Mais il fallut revenir. C’est donc pas bronzé que j’ai revendu un autre petit morceau de foie et suis retourné dans notre chère Lorraine où un avenir fait d’un rendez vous chez Paul l’Emploi m’attendait.

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